samedi 31 janvier 2009

Leçon d'influence par le ping

Vous bloguez, soit. Comme moi, comme toutes celles et ceux qui viennent traîner sur le Web, ou presque. En quelque sorte: vous écrivez, comme tout le monde, de nos jours. Pendant un certain temps, variable selon les ambitions, vous vous êtes satisfait de voir vos vers, votre prose, vos titres de photos, ou de vidéos —que sais-je, vos créations, enfin—, rendus publics. Si vous n'aviez pas vraiment l'habitude d'offrir à tout venant les produits de votre cervelle, ce «phosphore un peu mou», dont parlait Boris Vian, au début vous étiez peut-être tout palpitant de votre audace. Et même, pour les plus farouches: l'impression de s'être mis à faire le trottoir les a étreints, qui sait? Ou tout bonnement vous n'avez ressenti rien de moins qu'une espèce d'ivresse proche de celle de Dieu au premier jour de la genèse. «Que ma parole soit!», avez-vous dit en cliquant. Et votre blog fut. Vous en avez informé vos proches, vos amis qui comptent, puis les voisins, vos relations, une bonne partie de votre carnet d'adresses, enfin. Et après?
Après, le poison des questions existentielles s'est immiscé peu à peu en vous, entre deux virus contaminant votre ordinateur. Les virus sont jugulés, les questions restent : où vais-je? Qui suis-je de par le vaste monde du Web? Qui me lit? Et si vous êtes un tant soit peu versé dans les filtres informatiques, vous avez interrogé votre ordinateur magique: «Ordi, mon bel ordi, dis-moi si je suis influent? —Tu l'es, oh, maître, mais Nicolas, par delà ce canton, est bien plus influent encore!»
Passe pour ce Nicolas là, te dis-tu, il est trop bien classé pour que l'ombre de son éminence puisse raisonnablement te contrarier. «Ordi, mon bel ordi, quelle est ma place exacte? —Ton blog est le 5621 eme, mon maître.» Dure vérité
C'est alors que vous avez décidé de faire quelque chose. Et vous débarquez ici en quête de mes conseils d'influence avisés.
Le secret en vérité est tout simple, il tient en deux mots: Wikio et Technorati, l'alpha et l'oméga de la bloguerie.
On commencera par le second, car d'expérience, nous savons qu'il est toujours plus agréable de finir une tâche ardue que de la débuter. Donc, Technorati est notre sujet.
Ouvrez donc Technorati, non par là-bas, mais bien par ici…, à la page Blogger Central. C'est ici que vous pourrez pinguer votre blog, ce qui signifie que vous devrez en réalité pinguer les blogs qui parlent de vous. Si par malchance personne n'a dit un mot de vos écrits, ni créé le moindre lien vers votre œuvre (infortune que nous vous apprendrons à constater dans une prochaine leçon), ne désespérez pas. Pour vous consoler, vous pouvez parfaitement pinguer les gens que vous aimeriez compter parmi vos lecteurs, mais qui ne jettent jamais un œil sur vos pages!
Pour cela, observez la page de Technorati affichée sur votre écran… Que constatez-vous? Sa teinte dominante est le vert de l'espérance. Le secret du ping réussi est là!
Demandez-vous: suis-je assez vert dans ma tête? Si ce n'est pas le cas, verdissez vite, et passez à l'étape suivante du ping.
Celle-ci consiste à se vêtir de vert avant d'ouvrir Technorati. Attention: avant, et non après! N'hésitez pas à redémarrer l'ordinateur si vous portez d'autres couleurs: le bleu pétrole Wikio est, par exemple, fortement déconseillé. Pour ma part, je pingue toujours habillé d'un pyjama de pilou olivâtre et de baskets tilleul, tenue qui me réussit. Les dames pourront se parer d'un collier de jade, voire d'émeraudes si leur train de vie le permet…
Vous voici donc de vert vêtu, devant votre écran illuminé par la page acidulée de Technorati. Fermez les yeux, pensez intensément à PMA, Vasseur, Sarkofrance, BahbyCC, Trublyonne, ou encore selon que vos goûts vous portent plutôt aux lettres qu'à la politique, songez à Goux, Nefisa, Bérénice, Balmeyer, Marie-Georges, Zoridae
Détendez-vous, car vous y êtes, vous pinguez.

source image Kevin Walsh

mercredi 21 janvier 2009

Sept livres pour le prix de six!

L'autre jour, je me baladais sur un blog en toute innocence pour regarder des écureuils, quand j'ai été agressé par un certain Gaël qui voulait m'obliger à divulguer les titres de mes six livres préférés. Comme c'est un défi impossible à tenir, parce que j'ai aimé beaucoup plus d'ouvrages que ça dans ma vie, j'ai pris la fuite. Après réflexion, j'ai demandé asile sur ce blog-ci, qui est un endroit où se planquer vraiment peinard : trois ou quatre visiteurs par jour, pensez! Ce Gaël ne viendra pas m'enquiquiner ici avec son histoire de six bouquins, pas un de plus, à citer… Remarquez, je n'ai rien contre les gens qui n'ont que six livres préférés, voire un seul —celui qui fait pile la bonne épaisseur pour caler le meuble de la télé. Un de mes amis a comme livre de chevet l'édition 1972 du gros catalogue de Manufrance, il en épluche quelques pages tous les soirs avant de s'endormir. C'est un type qui vous émaille n'importe quelle conversation de digressions poétiques sur l'hameçon irlandais à cran, ou le fusil de chasse à canons superposés… Eh bien, on ne s'ennuie jamais en sa compagnie!
Moi, si on me l'avait demandé poliment, j'aurais par exemple évoqué «Un p'tit gars de Géorgie», des nouvelles d'Erskine Caldwell. Caldwell, ce fut une de mes premières passions de lecteur, dans ma jeunesse. Rien qu'avec ses ouvrages —comme «Le Petit arpent du bon Dieu», sans compter près d'une vingtaine d'autres— j'aurais pu largement dépasser les limites de ce défi à la noix, mais bon…
De toute façon, si j'avais joué le jeu, je crois que je me serais abstenu de parler des bouquins qui m'ont fortement touché, comme «la Deuxième mort de Ramon Mercader», de G. Semprun, ou «Cent ans de solitude» de G. G. Marquez, ou «Lady L.» de R. Gary, ou une petite cinquantaine d'autres… Non, j'aurais plutôt pioché dans le plus haut rayon de la bibliothèque, hors de portée des enfants, là ou Sade repose en paix, festonné de toiles d'araignées… Et j'aurais sans doute choisi «Les Dames galantes» de Brantôme, avec «Histoire de la bienheureuse Raton, fille de joie» de Fernand Fleuret, en hommage aux bons moments passés en leur compagnie. Ah, zut: sept titres! Je savais bien que je n'y arriverais pas, j'ai bien fait de ne pas me laisser intimider.

(source texte et image : Le coucou)

mercredi 14 janvier 2009

Le doigt du destin

Je profite de ce que Nicolas et Nicalor sont occupés ailleurs pour me glisser clandestinement ici avec un petit billet de doutes, presque existentiels. Pas du type : où vais-je, qui suis-je? Non, plutôt : merde, comment suis-je passé à côté de mon destin?
Voici : hier, écoutant distraitement la radio en voiture, j'ai appris que, selon une étude scientifique menée en Grande Bretagne dans le milieu des opérateurs financiers, les meilleurs traders des salles de marchés possèdent tous une certaine caractéristique physique.
Ils n'ont pas une tête plus grosse que celle des mauvais traders, et ne sont pas obligatoirement blonds aux yeux bleus, ni d'une taille très au-dessus de la moyenne —sinon, mon cœur n'aurait pas battu comme il battit et je n'aurais pas failli louper un virage d'émotion…
À quel signe reconnaît-on alors qu'ils sont élus de Moloch, dieu de la finance? Tout simplement, leurs mains ont l'annulaire plus long que l'index. Comme moi!
Depuis hier, je pense au tort considérable que je me suis fait dans ma lointaine jeunesse en démissionnant d'une banque de crédit, sous prétexte que la moindre colonne de nombres me donnait envie de vomir. Quelque haut cadre d'expérience, là-bas, aurait pu remarquer le talent inemployé caché dans mes doigts, et mon compte en banque d'aujourd'hui… Vraiment, je m'en mords les doigts.

image: La création d'Adam, détail, par Michelangelo di Lodovico Buonarroti Simoni dit Michelangelo