Nous allons aborder aujourd'hui la technique nécessaire et suffisante à l'élaboration d'un bon billet, celle dont vous avez rêvé cette nuit, car avouez-le, l'ambition de pondre LE billet dont on parle dans tous les coins de la blogosphère, celui que Vendredi publiera en Une, vous taraude. Rassurez-vous, ce n'est pas aussi difficile qu'il paraît, et vous pourrez très bientôt enfanter à votre tour une note d'anthologie, pourvu que vous appliquiez nos conseils à la lettre.
Pour commencer, levez-vous de bon matin, aux alentour de 6 heures. Allumez votre radio et laissez-vous pénétrer par la mélopée lancinante de France-Info, tandis que vous sacrifierez, la tête dans le cul, aux diverses servitudes de la condition humaine, dans l'ordre qui convient à votre complexion: miction, défécation, percolation, ablutions… Vous aurez pris soin de vous munir dès le saut du lit d'un crayon et d'un carnet sur lequel, durant toutes ces opérations, vous noterez au vol tous les mots parvenant à se faire une place dans votre esprit embrumé. Ceci est la tâche primordiale dont aucun carnétiste un peu sérieux ne saurait s'affranchir. C'est en effet de cette façon que se laboure le champ sémantique du jour, la semaille de vocabulaire d'où surgira le moment venu, un texte remarquable.
Voici à titre d'exemple une partie du vocabulaire noté ce matin à l'aube sur notre propre carnet: «voie, une, taulier, wikio, tombera, jeu, il, belle-sœur, plutôt, routine, en bas, perplexe, télé, detoutderien, soirs, février, farid, idée, etc»…Bon, et alors? direz vous… Eh bien, je réponds, l'essentiel du travail de création sera achevé à l'heure où vous partirez au bureau, l'œil vif, l'haleine pure, le carnet en poche.
Car le blogueur au top de son art dispose de quelques outils indispensables, parmi lesquels se trouve ce widget mettant en œuvre la fonction random. Cela n'a l'air de rien, mais nous vous livrons là un secret de fabrication jalousement gardé jusqu'à présent par la communauté des blogueurs influents.
En effet, une fois au bureau, le puissant ordinateur de votre employeur démarré, rentrez une à une vos graines de vocabulaire dans cet appareil informatique merveilleux, puis cliquez, et pressez, phrase à phrase la vendange d'où sortira le billet juteux:
«La routine s’installe. Tous les matins (ou tous les soirs ou tous les jeudis ou tous les 29 février), le blogueur fait son billet. Ca fait six mois (ou un an ou trois siècles) que ça dure. Le blogueur fait son billet. Il est content, presque amusé. Il avait créé son blog comme ça, parce que sa belle-sœur (ou son copain de bistro ou sa concierge) en avait un qu’il avait trouvé sympathique. C’était juste pour voir. Il s’est pris au jeu. Il en est amusé car il connaît maintenant une espèce de succès : il a de plus en plus de commentaires, son compteur de visites explose et il vient de rentrer dans le top 1000 des blogs divers chez Wikio. Il se prend au jeu. Plutôt que de regarder la télé (ou besogner son épouse ou aller au foot), il visite les blogs et rempli le sien. La routine est là, le succès aussi. Tous les matins, il cherche une idée de billet, trouve, rédige, publie. Tous les matins, il cherche une idée de billet, trouve, rédige, publie. Tous les matins, il cherche une idée de billet, trouve, rédige, publie. Tous les matins, il cherche une idée de billet, trouve, rédige, publie. Il est content, presque amusé : le succès est là. Il a juste oublié de prendre du recul, il a juste oublié que le succès est mécanique. Il continue.»
5 commentaires:
Magnifique billet. Surtout la fin.
Ah merde ! J'avais pas vu ce billet quand j'ai publié le mien !
Normal: nous écoutons sans doute tous les deux France-Info au réveil… Et nous utilisons le même widget pour la rédaction…
Je signale qu'à Bruxelles, il est tout à fait impossible de capter la France Info et que la Belgique Info n'existe pas (et reste à inventer si ça vous chante !). Donc point de levers aux aurores pour l'écouter, ma vie de blogueurs zinfluent s'en trouve amenuisée !
:-))
[Excellente fin de billet !].
Môssieur Poireau, je vous trouve de parti-pris courtisan : le début vaut la fin. C'est comme le cochon, y a rien à jeter.
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